La notion de SUJET a un sens très particulier en philosophie, mais avant de chercher à le comprendre, il faut voir à quoi le mot renvoie au sens courant.

 

Le sens courant du mot, c'est le sujet au sens d'une fonction grammaticale: celui qui fait l'action, comme dans la phrase "La pierre est chaude", "je mange une pomme". On le trouve en posant la question: qui est-ce qui...?

 

Au sens logique, on distingue le sujet (la pierre) du prédicat (la chaleur). Juger consiste à attribuer un prédicat à un sujet. Selon Aristote, toute phrase peut être décomposée selon le schéma sujet-prédicat.

 

En philosophie, le sujet désigne: "l'être qui a conscience de lui-même, par opposition à objet" (dictionnaire Littré à l'article "sujet"). Le sujet, en philosophie, est donc venu à désigner l'homme, par opposition aux simples choses.

 

Question: quelles sont les relations entre ces trois sens du mot "sujet", grammairien, logique, philosophique?

 

 

Mais dire ceci ne suffit pas. Caractériser l'homme par sa conscience, c'est le caractériser par son esprit ou par sa pensée, par opposition à son corps. La définition de l'homme comme sujet ne va donc pas de soi. Elle s'oppose par exemple à la définition de l'homme que donne la biologie, pour laquelle l'homme est un animal comme les autres, reconnaissable par des caractéristiques biologiques (ex: être un mamifère) qu'il partage généralement avec certains animaux. Alors que l'homme comme sujet se caractérise par le "je", le "moi", l'homme de la biologie est plutôt un "il".

 

Cette définition a engendrée une querelle -la querelle du sujet- qui a notamment été très importante dans toute la philosophie du XXème siècle entre les partisants d'une philosophie du sujet, et ceux qui disaient que le sujet n'est qu'une catégorie grammaticale ou réelle dont on a besoin pour parler ou pour penser, mais qui ne correspond à rien de précis dans la réalité.

 

Les enjeux de cette question ont l'air très abstrait, mais il cache en réalité certaines questions très concrètes dont on peut se rendre compte en réfléchissant sur le concept de conscience dont on a vu qu'il entrait dans la définition du sujet. L'idée de conscience (comme l'étymologie latine cum-scientia, "avec science") signifie l'idée que nous avons une connaissance vraie ou fausse de ce qui se passe en nous. A ce titre, il s'agit ici d'un concept spécifique, inventé par les philosophes, de conscience: la conscience de soi.

On doit en distinguer au moins deux autres sens courrant: la conscience psychologique comme dans "il a perdu conscience" et la conscience morale comme dans "il a mauvaise conscience", ou "ça lui pèse sur la conscience".

 

 

Question:

-qu'est-ce qui distingue la conscience au sens psychologique de la conscience de soi? Les animaux sont-ils doués de conscience de soi?

-qu'est-ce qui distingue la conscience morale de la conscience au sens philosophique?

 

La querelle du sujet aboutit donc notamment à la question de savoir si la consciene nous donne une vraie connaissance de ce que nous sommes ou si elle nous donne un fausse connaissance.

l'homme peut et doit globalement se définir par sa conscience ou si sa conscience n'est en réalité qu'une fausse connaissance.

Les enjeux sont immenses en ce qui concerne la place de l'homme dans le monde.

Dire que l'homme est sujet, c'est globalement dire qu'il est à l'origine de ses pensées et de ses actes. C'est donc faire de lui un être autonome et donc libre.

Dire que l'homme n'est pas sujet, c'est dire qu'il croit être à l'origine de ses pensées et de ses actes, mais qu'il se trompe en le croyant. C'est donc poser que notre moi est soit une illusion  ou une fiction, soit une construction...

 

Tout cela est encore un peu abstrait et c'est normal.

Pour donner une signification historique à cela, il faut dire que l'idée de l'homme comme sujet coïncide avec ce quon appelle la modernité.

 

Question:

Que veut dire Moderne? Qu'est-ce qui caractérise la Modernité?

 

Celle-ci commence avec la sortie du Moyen Age, c'est à dire d'une conception théocentrique du cosmos (théos= "dieu" en grec).

Avec La Réforme, l'homme moderne éprouve sa capacité de choisir sa religion. L'homme est un sujet religieux.

Avec l'invention de l'imprimerie, il éprouve sa capacité de se cultiver et d'avoir un accès à la connaissance. Ce projet aboutit au projet d'émancipation des Lumières.

Le rejet de la monarchie de l'Ancien Régime et la Révolution, l'homme prend conscience de son rôle dans l'histoire. Il devient un sujet acteur politique. Ceci coïncide avec le fait qu'il soit un sujet de droit, c'est à dire qu'on lui reconnaisse des droits (tels que les droits de l'homme, par exemple).

Bref, l'homme cesse d'être une créature parmi d'autres, fussent-elle la plus haute, pour devenir lui-même partiellement bien sûr créateur de lui-même.

Globalement, le sujet est le fondement de la raison. La raison correspond au fait que l'homme perçoive que l'univers dans lequel il vit est, en grande partie construit par lui.