Voici le devoir d'une élève de TES ayant obtenue, sans aucune autre aide extérieure que son propre pouvoir de réflexion et le cours, la note de 15/20. Il ne s'agit certes ni d'un devoir parfait ni d'un "corrigé type" car l'idée même d'un tel corrigé en philosophie, serait anti-philosophique, mais de la manière dont on pouvait traiter le sujet à partir d'une bonne compréhension du cours


 

                        Le fou ne doute jamais, le fou doute de tout… On appelle « transcendant »    ce qui est « au-delà » (trans) de tout ce qui est (ens). La vérité, à qui on associe souvent cet adjectif, est définie par son contraire : elle est tout ce qui n’est pas faux. Afin de se rapprocher de l’idéal qu’elle reflète, l’Homme mobilise des connaissances, soit des acquis qui doivent être en adéquation avec le vrai. Or, selon Kant, notre connaissance est issue de deux sources principales : les intuitions sensibles (ressenties durant les expériences), et les concepts purs de l’entendement. Tout notre savoir est alors remis en question quand on constate que les intuitions sensibles sont trop subjectives, et que les concepts purs de l’entendement sont concrètement indémontrables. Une question très importante se pose : Peut-on être sûre d’être dans le vrai ? L’Histoire humaine témoigne que nous l’avons été, et maintes fois. Ainsi, la fausse théorie du Dr.MacDougall selon laquelle l’âme pèse vingt-et-un grammes était une certitude en 1907. De même, le concept de physiognomonie, selon lequel la beauté (ou laideur) d’une personne reflèterait sa personnalité, possédait une connotation très scientifique au dix neuvième siècle. La certitude est dangereuse car elle peut entrainer une absence de démonstration, ou une démonstration fallacieuse au service de l’hypothèse énoncée. Pourquoi être certain ? Doit-on être certain ?

 

 

La première étape pour répondre au problème est de s’interroger au sujet la certitude : quand peut-on parler de certitude ? L’essence de la vérité, c'est-à-dire sa constitution fondamentale, est-elle accessible à l’Homme ? Si la réponse à cette dernière question est positive, alors on ne peut  nier l’existence d’une certitude non trompeuse, qui ne serait pas synonyme de fermeture de l’esprit, mais plutôt d’une prise de position ferme pour défendre une cause objectivement vraie.  L’idéal dogmatique reflète ainsi cet état d’esprit, qui consiste à croire en la présence de réponses indéniables qui expliqueraient le fondement de toute chose,  ces réponses étant concrètement démontrables quand on pousse à bout la réflexion logique. A bien réfléchir, si le but de la raison pure est de nous aider à voir plus clairement les choses et de nous permettre d’avancer dans notre connaissance, on peut voir en la philosophie dogmatique la façon de penser la plus correcte, car c’est la plus pragmatique ; on lui attribue en effet une efficacité double :  d’abord, elle permet d’émettre de nouvelles théories même si les   axiomes et postulats (raisonnements non démontrés mais admis comme évidents ) sur lesquels elles sont fondés ne sont pas prouvés. Ensuite, même si les axiomes et postulats sont  remis en question, l’importance de la démonstration chez les dogmatiques est  telle que même en essayant de prouver ces derniers, ils font appels à des logiques de démonstrations et de nouvelles découvertes qui leur permettront plus tard d’enrichir leur savoir. Ils avancent donc même en reculant. Ce processus de vouloir « prouver la preuve » se nomme la régression à l’infini. Le meilleur exemple pour illustrer le pragmatisme dogmatique  est celui du mathématicien Fermat, qui par intuition mathématique à émis un théorème sans le prouver. Tandis que les dogmatiques ont admis ce théorème pour pouvoir approfondir leur savoir, ceux qui exigeaient  à tout prix une démonstration  ont dû attendre plus de trois siècles pour que le Britannique Andrew Wills viennent apporter les solutions.

Mais comment peut-on oser faire une place à  la certitude dans le monde philosophique, si une des définitions de la philosophie est « l’art de poser des questions » ?  La certitude peut ne pas découler d’une conviction, mais d’une remise en question excessive. Elle existe chez chacun d’entre nous, sous la forme d’une certitude de raisonnement,  même si elle n’est pas voulue.  En effet, être sûre  peut être une conséquence inconsciente chez une personne raisonnable qui est en quête de vérité.  Prenons par exemple quelqu’un qui s’engage, avec toute honnêteté, à la recherche d’une quelconque vérité. Quand cette personne aura tentée de mener jusqu’au bout une réflexion logique et pertinente, elle développera une forme de certitude sur le raisonnement effectué, même si cette personne ne trouve pas de réponse au problème posé, et même si le raisonnement effectué consiste entièrement à remettre tout en question. C’est pourquoi, par ailleurs, un bon sceptique ne doit pas réagir envers quoi que se soit : il serait convaincu de sa démarche ( qui est de n’être sûre de rien), car le contraire  relèverait  de la folie. Descartes, dans  son Discours de la méthode, entreprend une démarche similaire, partant du doute pour se retrouver dans la certitude.  Cependant, son doute méthodique est plus dirigé vers la démonstration de l’existence. Le fameux principe du cogito, réduit la séparation qui existait entre « croire » et « savoir » , par cette simple équation : puisque le fait que je doute est une certitude, et que si je doute alors je suis entrain de penser,  je pense est en lui-même une certitude. Je pense donc je suis.

Or, si douter de tout revient à se rapprocher encore plus du dogmatisme, et si on est de ceux qui considèrent  que le dogmatisme pure contredit le concept même de penser, il faut prendre une position intermédiaire entre ces deux extrêmes, accepter de ne pas douter de tout, et accepter ainsi d’être « provisoirement certain » d’une vérité postulée. C’est d’ailleurs l’alternative qu’a choisit Kant quand il dit : « J’ai aboli le  savoir pour faire place à la croyance ».  Ainsi, si par exemple on a un exercice à faire en classe, on admettra le corrigé que nous donnera le professeur comme « vrai », sans remettre en question la correction, mais tout en  gardant en tête la possibilité que cette dernière contient des erreurs.

 

 

 

 

Rechercher la vérité revient donc à se questionner sur la place de la certitude au sein du raisonnement philosophique, et si « être sûre d’être dans le vrai » n’est pas paradoxal.  Nous venons de mettre en évidence dans cette première partie deux sortes de certitudes : La première est celle qui résulte d’un raisonnement pragmatique, basé sur la théorie que l’Homme peut avoir accès à la vérité absolue et que celle-ci peut se manifester auprès de lui en tant qu’évidence. La deuxième est liée à l’inconscient de l’être humain qui fait confiance à sa démarche logique. Et tandis que ces dernières présentent plusieurs limites (erreurs, subjectivité…) pour atteindre une vérité absolue, suivre la logique Kantienne, qui consiste à prendre une position intermédiaire entre le dogmatisme et le scepticisme, ne nous permet pas non plus « d’être sûre d’être dans le vrai » , le verbe « être » ayant ici une connotation statique : si on admet un postulat alors on ne peut affirmer être sûre d’être dans le vrai, car les postulas nous exposent à l’erreur. Le rejet de toutes nos réflexions jusque là  revient à nous  demander si il ne faudrait pas avoir un refus catégorique envers tout ce qui est certain : Doit-on être sûre d’être dans le vrai ?

 

Aller à la recherche de la vérité suppose une liberté de recherche, d’ouverture d’esprit. Parce que la vérité existe indépendamment de l’Homme et de ce qu’il en fait, l’individu qui cherche à être dans le vrai doit mettre de côté l’opinion générale sur un sujet, et s’intéresser à celui-ci le plus objectivement possible. Un principe difficile à accomplir quand on se dit que l’être humain ne voit que des phénomènes sujets à la subjectivité, c'est-à-dire des choses ou des faits qui appartiennent au monde physique ou psychiques ( sentiments, pensées), et qui malgré le fait qu’elles se manifestent elle-même peuvent être présentées autrement à l’esprit humain. Je peux par exemple croire voir une maison devant moi, alors que la maison que je vois est déformée dans mon esprit. Le problème est que l’homme n’a pas accès au noumène, c'est-à-dire ce qui est au-delà de l’expérience qui est faite d’une situation,  pour pouvoir vérifier son jugement. Et c’est lorsqu’on comprend que tout ce qui est humain est relatif à la subjectivité qu’on comprend qu’on ne doit pas être sûre d’être dans le vrai, si c’est la vérité qu’on recherche. Poser une confiance aveugle en un dogme ou en quelqu’un créerait un lien trop étroit d’indépendance qui pourrait mal nous guider. Certains courants philosophiques comme le sophisme jugent même que la subjectivité est une partie intégrante de la vérité. Il est alors très possible d’être dans le vrai, puisqu’on ne parle pas d’une vérité absolue, mais de plusieurs vérités subjectives et indépendantes. D’ailleurs, la sophistique est aussi appelée « l’art de la persuasion », car il ne s’agit pas ici de convaincre avec des arguments, mais plutôt de faire appel aux sentiments et émotions. Deux possibilités s’ouvrent devant nous : soit la vérité est unique et absolue, soit elle est relative à chacun. Dans les deux cas, on ne peut être sûre d’être dans le vrai par l’intermédiaire d’une autre personne ou chose: quant à la première possibilité, la liberté d’esprit va de soi pour atteindre son but, nous l’avons expliqué antérieurement : il faut se dégager de la « corruption sociale ». Et quant à la deuxième possibilité,  puisque la vérité devient à la service de l’Homme, et puisque comme l’a dit Protagoras :  « L’Homme est la mesure de toutes choses », il ne faut pas être influencé par la vérité d’autrui afin de pouvoir être entièrement intègre à soi même et afin que la vérité ne puisse pas dépendre du besoin de celui qui a essayé de me convaincre.

Nous avons envisagés les deux possibilités, mais on peut facilement remettre en question le  fait que la vérité est subjective : Si on questionne une personne honnête et raisonnable à propos de son opinion, elle nous justifiera son point de vue en expliquant pourquoi elle pense que c’est vrai. Aucun individu censé, -qu’il soit sophiste, dogmatique, sceptique, ou autre- n’est théoriquement et logiquement à la recherche du faux.  Le philosophe Pascal dit même : « ce serait ignorer la nature de la vérité que de s’imaginer qu’elle ait commencée d’être au temps qu’elle a commencée d’être connue ». On pourrait alors supposer que la recherche de la vérité est un besoin immanent chez l’Homme, un besoin qui existait même avant qu’il ne s’en rende compte, et que par conséquent la vérité n’est pas une création humaine. Elle n’est pas au service de l’Homme, et elle n’est pas subjective.

La vérité existe donc indépendamment de l’Homme, mais la conception que l’Homme a sur la vérité peut être faussée. Si le besoin d’être dans le vrai est immanent, c’est parce que la vérité cherche à être démontrée. De plus, un besoin immanent est preuve que l’homme  a une forme d’accès à cette vérité transcendante : comment aurions-nous pu sinon même la conceptualiser ? Mais alors cette idée rejoint la théorie dogmatique selon laquelle l’Homme peut atteindre la vérité absolue, et donc qu’on a le droit d’être certain d’être dans le vrai. De même, si cette idée est vraie, alors il est juste d’encourager le dogmatisme religieux fondé sur l’obscurantisme, ce même obscurantisme qui éradique le principe de causalité ( selon lequel toute conséquence a une cause), et qui porte ainsi atteinte à la liberté de réfléchir .La réponse  à la certitude aveugle de la religion est bien simple : Supposons que Dieu existe. Si il existe il a le savoir-faire total et absolu. Si il a le savoir-faire total et absolu, alors il est très possible pour lui de créer un système où l’Homme ne peut douter de l’existence de son créateur. Ce système suivra deux principes : le premier est que tout ce qui nous entoure -les phénomènes naturels, les animaux- devra fonctionner à sens unique et vers un but unique. Le deuxième, le plus important, c’est qu’on devra être privés de la capacité de se poser des questions. Quand on analyse la vérité sous cette angle, alors on a l’obligation morale de réfléchir. D’ailleurs, c’est la seule chose qu’on ne peut arrêter de faire complètement: on peut retenir sa respiration, même si cette dernière est nécessaire à notre survie, mais on n’est pas capables de faire un vide total dans son esprit. L’esprit critique fait donc partie d’un des requis du vraie croyant, qui doit montrer à son créateur la volonté de le connaître et de se rapprocher de lui.  Vouloir être sûre d’être dans le vrai fait appel au doute. Donc on ne peut pas être sûre d’être dans le vrai quand ce qu’on veut est être dans le vrai.

 

 

Durant cette démonstration, nous avons fait appel à plusieurs réflexions sur la question de la certitude et du vrai, en se demandant d’abord pourquoi certains choisissent d’être certains, et ensuite si on doit être certain. Mais la certitude et le soute ne sont-ils pas tous deux utiles à la démonstration ? Attardons nous d’abord sur une définition plus poussée de la vérité ; On la définie comme étant l’adéquation entre la chose et l’idée qu’on en fait, mais sous quelle forme se présente-t-elle ? Le mot Vérité renvoie à un idéal transcendant : justice suprême, droiture, pureté. Il y a des vérités simples à comprendre (ex : Le meurtre est un acte mauvais)  , et d’autres plus compliquées à saisir ( ce serait le cas par exemple dans le procès d’un criminel qui fait polémique). La justice est un des éléments nécessaires à l’existence de la vérité : or pour être juste, il faut pouvoir prendre en considération la totalité des facteurs (causes,conséquences…) qui constituent un phénomène, les analyser avec objectivité, et  attribuer à chaque facteur une importance adéquate dans la réalisation du phénomène. Or comment la vérité peut-elle prendre en compte tous ces éléments si elle est statique et intransigeante ? Il n’y aurait donc pas qu’une seule vérité ? Mais alors la vérité perdrait de sa valeur arbitraire : comment être sûre quelle vérité est la plus adéquate ?  Une vérité moins adéquate qu’une autre peut-elle continuer à s’appeler vérité ? Au milieux de toutes ces questions qui se succèdent, on pourrait émettre une hypothèse qui répondrait à tous les critères demandés : la vérité n’a qu’une seule origine, et il n’y a qu’une seule vérité pour une situation donnée, aussi complexe que celle-ci puisse paraitre. Cependant, au moindre changement de l’un des facteurs, la vérité change de direction et devient une autre. La vérité est ainsi comparable à la voile d’un bateau, qui ne possèderait à la fois un seul mât rigide et stable, et des laizes en toile qui bougent selon la direction du vent. Maintenant que nous avons éclaircie notre idée sur la vérité, une autre question se pose : la vérité est-elle démontrable ? Si l’on suit la réflexion émise, alors la réponse est négative : il est impossible pour l’homme de connaître quand la vérité change, et comment. Ce dernier doit se contenter d’essayer de se rapprocher du socle stable de la vérité. Ainsi, la réponse de « peut-on être dans le vrai » tend vers le négatif, à cause de la connotation statique attribuée au verbe « être ».  Et maintenant que chercher la vérité dans sa totalité semble impossible, la méthode la plus pragmatique pour démontrer le vrai semble être la logique kantienne sur le postulat, qui combine certitude et doute, cette même logique que nous avons réfutée durant notre  démonstration car elle ne permettait pas de répondre au problème posé.