La philosophie comme "conversion"

Les 4 stades de la conscience

 Les philosophes revendiquent explicitement une forme de conversion qui n'est pas religieuse car celle-ci est basée sur la foi alors que la conversion philosophique est basée sur la raison. C'est cette conversion qui nous fait passer de la conscience ordinaire à la "conscience philosophique".

 

 
   

 

Stade de la bêtise « en acte »

Conscience ordinaire

Conscience philosophique

Sagesse

Capacité de l’homme de régresser à un stade infra-humain (les animaux n’ont pas cette capacité : les bêtes ne sont pas « bêtes). Degré zéro de la pensée ou l’on fait appel aux pulsions destructives. 

Etat ordinaire où l’on croit savoir, mais où l’on est en réalité au stade de la Doxa (=opinion confuse). On croit savoir, mais on ne sait pas. On répète ce qu’on nous a dit.

On prend conscience du fait qu’on ne sait pas. Socrate : « la seule chose que je sais, c’est que je ne sais pas ». On lutte contre sa propre bêtise.

Stade qui dépasse la condition humaine ordinaire. On a atteint le bonheur total (« ataraxie » chez les grecs, le « nirvana » chez les boudhistes, etc…)

Le rapport de la philosophie aux autres disciplines scolaires

Pourquoi la philosophie n'arrive-t-elle qu'en terminale et pas avant? Il s'agit là d'un vieux débat, qui opposait déjà les philosophes au sujet de savoir si les enfants peuvent ou non philosopher. Quoi qu'il en soit, l'enseignement de la philosophie au lycée, en France, s'enracine dans l'héritage du siècle des Lumières.

Les deux documents suivant illustrent ce point:

 

L'incertitude des solutions aux problèmes philosophiques est-elle un argument contre la valeur de la philosophie?

Ce texte du philosophe Bertrand Russell répond bien à cette question:

    "La valeur de la philosophie doit en réalité surtout résider dans son caractère incertain même. Celui qui n'a aucune teinture de philosophie traverse l'existence, prisonnier de préjugés dérivés    du sens commun, des croyances habituelles à son temps ou à son pays et de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison." Pour un tel individu, le monde    tend à devenir défini, fini, évident ; les objets ordinaires ne font pas naître de questions et les possibilités peu familières sont rejetées avec mépris. Dès que nous commençons à penser    conformément à la philosophie, au contraire, nous voyons, comme il a été dit dans nos premiers chapitres, que même les choses les plus ordinaires de la vie quotidienne posent des problèmes    auxquels on ne trouve que des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu'elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de    même suggérer des possibilités qui élargissent le champ de notre pensée et délivre celle-ci de la tyrannie de l'habitude. Tout en ébranlant notre certitude concernant la nature de ce qui nous    entoure, elle accroît énormément notre connaissance d'une réalité possible et différente ; elle fait disparaître le dogmatisme quelque peu arrogant de ceux qui n'ont jamais parcouru la région du    doute libérateur, et elle garde intact notre sentiment d'émerveillement en nous faisant voir les choses familières sous un aspect nouveau.»
(Problems of philosophy 1911)

Pythagore et la démonstration

Pour comprendre l'importance de la démonstration dans le fondement des mathématiques scientifiques et de la philosophie:

http://canal-educatif.fr/videos/sciences/pythagorepresentation/swf/player.html

L'ALLEGORIE DE LA CAVERNE DE PLATON, un modèle de "conversion" philosophique

Ci-dessous, la caverne de Platon vu par un élève de terminale S:

Ci-dessous la caverne de Platon en dessin-animé anglais, sous-titré en français:

Une autre version de la Caverne de Platon illustrée, avec un accent canadien:

Le texte original de l'allégorie de la Caverne de Platon, tirée de La République, livre 7

Eh bien, après cela, dis-je, représente-toi ainsi la manière dont est affectée notre nature par l'éducation et le manque d'éducation. Figure-toi donc les hommes comme dans une demeure souterraine en forme de caverne, la caverne ayant l'entrée ouverte à la lumière sur toute sa longueur, dans laquelle ils sont depuis l'enfance, les jambes et le cou dans des chaînes pour qu'ils restent en place et voient seulement devant eux, incapables donc de tourner la tête du fait des chaînes ; et encore la lumière sur eux, venant d'en haut et de loin, d'un feu brûlant derrière eux ; et encore, entre le feu et les enchaînés, une route sur la hauteur, le long de laquelle figure-toi qu'est construit un mur, semblable aux palissades placées devant les hommes par les faiseurs de prodiges, par dessus lesquels ils font voir leurs prodiges.

Je vois, dit-il

Eh bien vois maintenant le long de ce mur des hommes portant en outre des ustensiles de toutes sortes dépassant du mur, ainsi que des statues d'hommes  et d'autres animaux de pierre et de bois et des ouvrages variés ; comme il se doit, certains des porteurs font entendre des sons tandis que d'autres sont silencieux. 

Étrange, dit-il, l'image que tu décris, et étranges enchaînés ! 

Semblables à nous, repris-je ; ceux-ci en effet, pour commencer, d'eux-mêmes et les uns des autres, penses-tu qu'ils aient pu voir autre chose que les ombres projetées par le feu sur la partie de la caverne qui leur fait face ?

Comment donc, dit-il, s'il est vrai qu'ils sont contraints de garder la tête immobile toute leur vie ? 

Et qu'en est-il des objets transporté ? N'en est-il pas pour eux ainsi ? 

Quoi donc ? 

Eh bien ! sans doute, s'ils étaient capables de dialoguer entre eux, ne crois-tu pas qu'à cause de cela, ils prendraient pour les êtres proprement dits cela même qu'ils voient ? 

Nécessairement. 
Et quoi encore si de plus la prison produisait un écho en provenance de la partie leur faisant face ? Chaque fois qu'un des passants ferait entendre un son, penses-tu qu'ils pourraient croire que le son entendu vient d'ailleurs que de l'ombre qui passe ?

Par Zeus, certes non ! 

Très certainement, repris-je, ceux-là ne pourraient penser que le vrai est autre chose que les ombres des objets confectionnés.

De toute nécessité, dit-il. 

Examine maintenant, repris-je, leur délivrance et leur guérison des chaînes et de l'ignorance : qu'en serait-il, si par nature il leur arrivait ce que voici ? Pour peu que l'un d'entre eux soit délivré et contraint subitement à se lever et aussi à tourner le cou et à marcher et à lever les yeux vers la lumière, et qu'alors même qu'il fait cela, il éprouve de la douleur et soit en outre incapable, du fait des scintillements de la lumière, de contempler ce dont auparavant il voyait les ombres, que penses-tu qu'il dirait si quelqu'un lui disait qu'auparavant il voyait des balivernes alors que maintenant, un peu plus proche de ce qui est et tourné vers des choses qui ont plus d'existence, il voit plus juste, et si de plus, lui montrant chacune des choses qui passent devant lui, on le contraignait en le questionnant à répondre en disant ce que c'est ? Ne penses-tu pas qu'il serait dans l'embarras et qu'il croirait les choses qu'il voyait auparavant plus vraies que celles qu'on lui montre maintenant ?

Et même de beaucoup ! dit-il. 

  Et si donc en outre on le contraignait à regarder vers la lumière elle-même, que ses yeux lui feraient mal et qu'il se déroberait en se retournant vers ce qu'il est capable de contempler, et qu'il prendrait cela pour réellement plus clair que ce qu'on lui montre ?

C'est ça, dit-il.

Si alors, repris-je, quelqu'un le tirait de là de force à travers la montée rocailleuse et escarpée, et ne le lâchait pas avant de l'avoir tiré dehors à la lumière du soleil, est-ce qu'il ne s'affligerait pas et ne s'indignerait pas d'être violenté, et, quand il serait arrivé à la lumière, ayant les yeux pleins de l'éclat du soleil, ne pourrait rien voir de ce que nous appelons maintenant vrai ?

Probablement pas, dit-il, du moins pas tout de suite. 

C'est donc l'habitude, je pense, qu'il lui faudrait pour en arriver à voir éventuellement les choses d'en haut. Et tout d'abord ce sont sans doute les ombres qu'il contemplerait le plus facilement, puis après cela les images dans l'eau des hommes et des autres chose, puis enfin cela même ; à partir de là, ce qui est dans le ciel et le ciel lui-même, il pourrait les observer, plus facilement sans doute de nuit, regardant en face la lumière des astres et de la lune, que de jour le soleil et celle du soleil.

Comment donc en serait-il autrement ?

A la fin certes, je pense, c'est le soleil, non pas ses images sans consistance dans l'eau ou en quelque autre place, mais lui-même tel qu'en lui-même dans son espace propre, qu'il pourrait contempler et examiner tel qu'il est.

Nécessairement, dit-il.

Et après cela, il en conclurait bientôt à son sujet que c'est lui qui produit les saisons et les années et qu'il gouverne tout ce qui est dans le domaine visible, et de tout ce qu'eux-mêmes voyaient en quelque sorte cause.

C'est évident, dit-il, qu'après cela, il en viendrait à ces conclusions ! 

Et quoi encore ? Se ressouvenant de sa première demeure et de la sagesse de là-bas et de ses compagnons de chaînes d'alors, ne penses-tu pas que, pour lui, il serait heureux du changement et qu'eux par contre, il les prendrait en pitié ?

Tout à fait ! 

Et puis, les marques d'honneur et les louanges, si certaines avaient cours alors entre eux, et les prérogatives accordées au plus pénétrant dans l'examen de ce qui défilait, et se souvenant le mieux de ce qui avait coutume de passer en premier, ou en dernier, ou ensemble, et donc pour cela le plus capable de prédire ce qui allait arriver, crois-tu qu'il en aurait encore le désir et qu'il envierait ceux d'entre eux qui étaient honorés et investis du pouvoir, ou qu'il éprouverait le même sentiment que dans Homère et préférerait mille fois "être un cultivateur au service d'un autre homme sans ressources" et souffrirait n'importe quoi plutôt que cette manière de penser et cette vie là ?

C'est ça., dit-il, je le pense moi aussi : tout souffrir plutôt que de se résigner à cette vie là !

Et maintenant, réfléchis à ceci, repris-je. Si celui-ci redescendait pour reprendre sa place sur son siège, est-ce qu'il n'aurait pas les yeux souillés par les ténèbres, venant tout à coup du soleil ? 

Tout à fait certes, dit-il.

Et alors ces ombres, si de nouveau il lui fallait lutter ardemment dans ses opinions sur elles avec ceux qui ont toujours été enchaînés, au moment où il a la vue faible, avant que ses yeux ne soient rétablis --et le temps de se réhabituer ne serait pas bref, tant s'en faut ! --ne prêterait-il pas à rire et ne dirait-on pas de lui que, pour être monté là-haut, il en revient les yeux endommagés, et que ça ne vaut vraiment pas la peine d'essayer d'aller là-haut ? Et celui qui entreprendrait de les délivrer et de les faire monter, si tant est qu'ils puissent le tenir en leurs mains et le tuer, ne le tueraient-ils pas ? 

Et comment donc ! dit-il."